La chambre régionale des comptes épingle notre commune

La chambre régionale des comptes ne fait pas de politique. Froidement, les magistrats qui la composent examinent l'utilisation de l'argent public, donc de notre argent. Autant dire que ses rapports sont toujours attendus. C'était récemment au tour de notre commune de passer au crible, et d'attendre la distribution des bons points et des bonnets d'âne. Après avoir constaté "la situation financière exceptionnelle" dont bénéficie notre commune (une vraie chance, avouons-le), le rapport salue une meilleure valorisation des revenus locatifs de la Mairie. Mais il épingle aussi des "Prévisions budgétaire mal maitrisées", des "attributions de logements (...) particulièrement opaques" ou le non respect des "exigences propres aux règles de la commande publique"...
Pan sur les doigts; mais il y a plus préoccupant.
D'abord, la Chambre régionale des comptes pointe du doigt les rapports entre la commune et l'exploitant du domaine skiable. En clair, la commune aurait fait à l'exploitant un "cadeau" en allongeant la durée des conventions d'exploitation, contre la promesse d'investissements importants. Or ces investissements n'auraient été réalisé qu'en partie.
Pas assez d'investissements sur le domaine skiable, et c'est notre gagne-pain à tous qui se dégrade, qui devient moins compétitif. Ce à quoi l'exploitant ne manquerait sans doute pas de répondre que pour investir, il lui faudrait autre chose qu'une baisse de 15% de la fréquentation de la station. Et l'on en revient au problème "peu de clients très fortunés ne fait pas vivre le domaine skiable".

Autre dossier pointé par les magistrats de la chambre régionale des comptes: Aquamotion. Le centre aquatique le plus ambitieux des Alpes. 60 millions HT de construction. Problème, malgré les annonces tonitruantes, la fréquentation semble largement insuffisante. 100 000 entrées sur un an tout au plus au début de son exploitation (le rapport de la chambre régionale des comptes s'arrête en 2016). Et encore, ce n'est qu'une estimation. les rapports d'exploitation trimestriels n'ont pas été fournit à cette date. Or, les prévisions de la municipalité ("particulièrement optimistes" note, non sans ironie, la Chambre des comptes) faisaient état de 180 000 entrées annuelles pour équilibrer les comptes. Bigre. Presque le double. Trop ambitieux, le centre aquatique ? Peut-être. Alors certes, le nombre d'entrées a sans doute augmenté depuis, mais de là à doubler ... Le risque est grand de voir Aquamotion se révéler à long terme un gouffre financier. Et qui va payer la différence ? Allez, je vous laisse réfléchir.


Vous pourrez lire ci-dessous les conclusions de la chambre régionale des comptes Auvergne Rhône Alpes, et les plus courageux pourront même suivre le lien pour lire la totalité du rapport.

JM Lepeudry





Le rapport de chambre régionale des comptes La chambre régionale des comptes Auvergne-Rhône-Alpes a examiné la gestion de la commune de Saint-Bon-Tarentaise pour les exercices 2009 à 2016.
Cette commune de 1 932 habitants, station de ski et station estivale, bénéficie d’une situation financière exceptionnelle et d’un budget atypique (130,5 M€ en 2015).
Grâce à une base fiscale importante, les ressources fiscales propres représentent, en moyenne, 75 % du niveau des charges de gestion. Les ressources d’exploitation, dont le niveau est erratique mais en moyenne très élevé, permettent à la commune de dégager un important excédent brut de fonctionnement sur l’ensemble de la période (entre 18,5 % et 43 % des produits de gestion). Le niveau de la CAF brute, qui se situe structurellement entre 6 et 7 M€ depuis 2010, a été perturbé pour les années 2012, 2014 et 2015, par un contentieux portant sur une opération immobilière, conduisant ce solde à être artificiellement élevé durant l’année 2012, puis négatif pendant les années 2014 et 2015. Pour financer ses importants investissements, et notamment le centre Aquamotion, la commune a pu mobiliser une trésorerie nette surabondante (entre 34 et 57 M€ durant la période). Malgré ces ressources abondantes, la commune recourt à l’emprunt de façon parfois anticipée, voire inutile. Eu égard à ces ressources, la capacité de désendettement reste très favorable (inférieure à six ans) sur toute la période, excepté en 2014 (environ 11 ans).
La politique foncière communale est très active et la commune s’est livrée à un important volume de cessions, pour financer ses investissements. Elle a par ailleurs mené une importante opération d’aménagement sur la ZAC « Moriond ». Déficitaire de 5,4 M€ à fin 2015, cette opération avait notamment pour objectif de fixer une population locale en offrant des conditions d’accession fortement bonifiées compte tenu du coût particulièrement élevé du foncier. La chambre a néanmoins relevé que les conditions d’attribution des logements construits par la collectivité étaient particulièrement opaques et ne prenaient pas en compte de critère de ressources.
Soucieuse de diversifier son offre touristique, la commune a investi 60,3 M€ HT dans un centre aquatique, « Aquamotion », qui a ouvert ses portes en décembre 2015. S’inscrivant dans un projet global qui n’a pas encore abouti, ce centre aquatique a fait l’objet, en 2014, d’une gestion déléguée pour huit ans de son exploitation dont certaines modalités sont à revoir. Si le modèle économique de cet investissement ne peut s’apprécier que dans la durée, il apparaît, au vu des premières données, que les hypothèses de fréquentation et d’équilibre financier ayant présidé à sa réalisation ont été particulièrement optimistes.
Le domaine skiable de Courchevel connait un contexte d’exploitation tout à fait atypique, puisque la commune partage avec le département de la Savoie la compétence en matière de gestion des remontées mécaniques. Cela a pour conséquence un morcellement du domaine entre plusieurs décideurs et une accumulation de contrats de gestion des remontées mécaniques et d’aménagement des pistes que la collectivité peine à maîtriser.
Les lacunes des contrats initiaux, s’agissant notamment des obligations de l’exploitant en termes d’investissement, et, plus généralement, de la définition de l’équilibre économique des délégations de service public, n’ont pas été comblées par les différents avenants ultérieurs, prolongeant, de façon discutable, la durée des conventions.
Ni la durée initiale, ni la durée globale des conventions ne parait justifiée eu égard à la définition floue, voire inexistante des obligations de l’exploitant en termes d’investissements. Les avenants passés en 2012 pour repousser à 2030 l’échéance des conventions, dont la durée est passée de 18 à 40 années, illustrent les faiblesses de la commune s’agissant du suivi des contrats, lesquelles s’expliquent en partie par l’insuffisance des informations fournies par l’exploitant dans ses rapports annuels.
Ces avenants ayant modifié la durée, l’économie et l’équilibre des conventions, paraissent irréguliers, faute pour l’autorité délégante d’avoir procédé à la conclusion de nouveaux contrats après publicité et mise en concurrence. Les investissements mis en avant pour justifier la prolongation des conventions n’ont, pour la plupart, pas été réalisés et même abandonnés en grande partie, alors que l’exploitant bénéficiera des profits que l’exploitation dégage sur une durée fortement allongée. La modification du régime des biens de retour à l’occasion de cette extension de la durée provoque, par ailleurs, une situation qui sera particulièrement favorable au délégataire en fin de contrat.
La création de la commune nouvelle de Courchevel au 1er janvier 2017 apporte une première réponse à la faible cohérence de l’organisation territoriale intercommunale, support de la station. Il reste toutefois à définir les moyens de répondre aux enjeux d’adaptation et de repositionnement en matière d’économie de la neige et de développement touristique.
RECOMMANDATIONS
Recommandation n° 1 : Se conformer à la réglementation des provisions pour risques et charges dès l'ouverture d'un contentieux en première instance, quel que soit le montant concerné.
Recommandation n° 2 : Poursuivre la mise à jour des inventaires comptables et des états de l’actif de tous les budgets en lien avec le comptable public.
Recommandation n° 3 : Mettre en place un budget annexe pour la gestion du centre aqualudique.
Recommandation n° 4 : Revaloriser le montant de redevance d’occupation du domaine public en cohérence avec les avantages économiques consentis.
Recommandation n° 5 : Améliorer le suivi de l’exécution des contrats de délégation de service public des remontées mécaniques et présenter au conseil municipal les rapports d’activité de l’exploitant.
Recommandation n° 6 : Actualiser et assurer le suivi avec le délégataire des plans d’investissement contractuels afférents à chacune des délégations en vigueur.



Lien pour consulter le rapport dans son intégralité
https://www.ccomptes.fr/sites/default/files/2018-01/ARA201804.pdf

Commentaires

  1. Notre station avait besoin d’un centre aquatique, c’est absolument incontestable. Mais pourquoi aussi cher ? Ceux de Val d’Isère et Tignes sont magnifiques, ils ont la même utilité et n’ont coûté que la moitié d’Aquamotion. Dépenser le double pour un équipement ne rapporte pas le double de clients. Et vendre quelques terrains pour payer la construction ne règle pas le problème. Car construire des équipements impossibles à rentabiliser, c’est la garantie pour la collectivité de payer le déficit pendant des décennies, et l’addition pourrait se révéler salé.

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