Les stations se changent en parcs d’attractions

Le ski ne suffit plus. Pour attirer les clients, les stations doivent multiplier les activités. Au risque de perdre «l’esprit montagne».


Bienvenue au «Speed Mountain». Non, non, vous n’êtes pas à Disneyland Paris, devant le célèbre Space Mountain. Vous êtes en montagne. Aux Menuires, pour être précis. Mais vous pourriez être dans une autre station. A quelques jours des congés de février, les domaines skiables rivalisent d’imagination pour séduire les vacanciers: Speed Mountain aux Menuires, donc. Mais aussi Âge de Glace, aux Carroz, Espace des Mondes Polaires, aux Rousses… Il y en a pour tous les goûts. «Nous sommes en train de sortir du tout-ski, constate Marie Arfuso de l’Office du tourisme des Carroz. Les stations ne se résument plus à des domaines skiables. Elles deviennent des parcs d’attractions.»
Séduire toute la famille
En 2014, Val-Thorens a ainsi inauguré la tyrolienne la plus haute du monde, tandis que les pistes de luge sur rails, façon grand huit, se multiplient. On en retrouve aux Menuires – le fameux Speed Mountain – mais aussi aux Diablerets, à Chamonix et même à la petite station Sambuy près du lac d’Annecy. Et pour ceux qui veulent les tropiques à la neige, c’est possible aussi: les aquaparcs en montagne pullulent, de l’Aquariaz d’Avoriaz au Lagon de Tignes, en passant par Aventure caraïbes à Torgon (Valais).
«Aujourd’hui, les stations ne peuvent plus se contenter de proposer uniquement l’activité «ski alpin», explique Christian Reverbel, ancien directeur des pistes de l’Alpe-d’Huez. Les domaines qui n’ont pas compris cela se mettent en danger vis-à-vis de la concurrence.» Une tendance confirmée par Vincent Riba: «Nous essayons au maximum de nous diversifier afin de rester attractifs», souligne le responsable communication de Verbier. Aux côtés des loisirs de montagne plus ou moins traditionnels (sports de glisse, chiens de traîneau, raquettes…) apparaissent donc des «attractions». Cette évolution a débuté au milieu des années 1980, lorsque les domaines skiables ont été confrontés aux premières pénuries de neige. «A ce moment-là, on s’est dit: il faut proposer autre chose, sinon on va mourir», se souvient Christian Reverbel. Depuis, la neige de culture est venue, partiellement, combler les aléas météo. Mais le mouvement de diversification n’a pas décru. «Environ 25% de la clientèle ne skie pas, poursuit Marie Arfuso. Mais ces 25% sont déterminants dans le choix de la destination. Pour attirer les familles, nous devons proposer des activités pour tous. Pas seulement pour ceux qui veulent passer toute leur journée sur les pistes.»
D’ailleurs, les skieurs irréductibles, qui ne montent en station que pour faire frémir les lattes, sont une espèce en voie d’extinction. «Les installations sont devenues plus rapides. Quand il fallait autrefois vingt minutes pour rejoindre le sommet, il en faut sept aujourd’hui, explique Sébastien Epiney, directeur de Nendaz Tourisme. Du coup, les gens ont gagné du temps et ils rentabilisent leur séjour différemment. Sur une semaine de vacances, ils ne vont skier que certains jours et, encore, pas toute la journée. Il leur faut donc des loisirs complémentaires.»
Disneyland sur glacier
Mais la multiplication des sollicitations présente un risque: «La vente de forfaits reste le cœur de l’activité économique, note Caroline Stauder, responsable commercial et marketing des Carroz. Or, les activités annexes cannibalisent le ski, sans pour autant apporter les mêmes revenus.» Un argument que relativise Christian Reverbel: «Elargir l’offre permet d’étendre la période de fonctionnement des domaines. Leurs bénéfices ne sont plus uniquement liés à la période hivernale.» Reste que cette évolution n’est pas sans susciter quelques crispations: «On dirait que la nature ne suffit plus, regrette un guide de haute montagne. Les touristes veulent du Disneyland sur glacier. Mais il n’y a pas besoin de venir ici pour avoir ça…» «Est-ce que nous allons trop loin? La question mérite d’être posée, dit Christian Reverbel. Personnellement, je ne le pense pas. Il s’agit simplement d’une évolution de la joie de vivre en montagne. Et pour les clients, nous n’en faisons jamais trop.»
Source: La Tribune de Genève

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