Courchevel face à l’urgence climatique: et si on faisait l’autruche ?

Bon, on va pas se raconter des histoires : avec nos stations de ski de masse, si on ne réagit pas, on va droit dans le mur. Il y aura beaucoup moins de neige, c’est une certitude. Selon le scénario le plus pessimiste et malheureusement le plus probable, dans un futur proche, la durée de l’enneigement à 1500m sera amputée de presque deux mois, donc une fin de saison à la mi-février... Nous connaîtrons un hiver presque sans neige une année sur deux (une année sur cinq actuellement) (*).
La neige artificielle, présentée comme LA solution, imposera des investissement pharaoniques. Et comment justifier ces dépenses délirantes d’eau et d’énergie alors que le monde devra se serrer la ceinture ? Quant à venir en avion de l’autre bout du monde pour skier sur une neige menacée par ces mêmes avions … Acceptable pour encore combien de temps ? Ne parlons pas de l’image déplorable que notre économie dramatiquement anti-écologique se forgera rapidement dans l’opinion publique.

Alors on peut aussi faire l’autruche, espérer que ça dure encore un peu, le temps de ramasser la mise, façon « après moi le déluge », se dire que 2030, c’est loin…On peut décider de croire dur comme fer que le réchauffement va miraculeusement nous épargner ou que le salut viendra de toujours plus de béton… D’autant que nous sortons de deux hivers avec pas mal de neige, alors pour peu que ce soit encore le cas cette année électorale, inutile de s’inquiéter, pas vrai ?

Je sais pas vous, mais moi ça ne me satisfait pas. La question que je me pose aujourd’hui est simple : comment allons-nous réagir ? Je veux dire, nous, gens de la montagne, qui vivons presque exclusivement du ski ?

En 1946, j’imagine qu’il a fallu une sacrée audace à Francis-Eugène Mugnier, maire de Saint Bon, pour faire confiance à quelques illuminés qui lui proposaient de créer de toutes pièces une station de ski dans les alpages. 70 ans après, il va en falloir à nouveau une sacrée bonne dose pour inventer un « après » au tout-ski, économiquement viable et écologiquement durable.

Mais la montagne a des atouts dans sa manche. Le froid, l’air pur, le bien-être, voilà peut-être les luxes de demain. Cocotiers et mer turquoise ne font plus autant rêver qu’avant. Dans des villes en surchauffe, les citadins fantasmeront peut-être sur une nuit sous la couette en plein été, un air débarrassé des scories ou ne flottent que quelques flocons, ou juste pouvoir se poser dans un environnement préservé... Transformer les « vacances au ski » en « vacances à la montagne », c’est utopique? Moi j’ai plutôt l’impression que l’utopie, c’est d’espérer, en croisant les doigts, pouvoir continuer sans rien changer.

Déjà actuellement, un touriste hivernal sur trois ne skie pas. Mais personne ne se soucis de lui. Quant à celui qui skie; pouvons-nous lui donner envie d’autre chose, ne serait-ce qu’un ou deux jours par semaine pour commencer ? Il y a aussi l’exploration de nouvelles voies, comme les énergies renouvelables. Des stations comme Aspen montrent le chemin. Et que dire de la saison d’été et ses canicules à répétition dans les citées, tout ou presque reste à imaginer chez nous…
Le concept des vacances à la montagne est, à mon avis, le seul moyen de développer une stratégie à long terme réaliste pour sortir progressivement d’une économie du tout ski, lancée dans une course folle qui me semble perdue d’avance.

Nous sommes à 9 mois des élections municipales. Pouvons-nous espérer un vrai débat d’idées sur l’avenir de notre vallée face à l’urgence climatique ? Le choix est simple: on continue comme aujourd’hui ou on commence notre mutation. Vraiment.

JM Lepeudry


(*). (source: scénarios RCP GIEC - DRIAS Les futurs du climat - THE CRYOSPHERE winter tourism under climate change)
 

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